L’entreprise et le Web 2.0 ; un péril anti-social ?!
D’un coté des réseaux d’entreprises bloquent de plus en plus de services Web 2.0 et réseaux sociaux, et de l’autre la réflexion sur ce que l’on appelle déjà l’Entreprise 2.0 semble se concentrer uniquement sur des aspects techniques et des choix d’outils. Dans ces deux cas extrêmes, on est dans une recherche d’une meilleure productivité sans en comprendre les mécanismes…
A t’on oublié les leçons du passé ?
Pour faire l’analogie avec l’ancienne industrie ; il ne suffit pas de changer sa chaine de montage pour améliorer le rendement. Il va falloir former le personnel et, plus dur, remanier son planning/rythme de travail, et en quelques sortes bouleverser des habitudes en se confrontant à la - résistance au changement - qui est une chose trés concrète avec laquelle il faut négocier et qui requiert une trés forte cohésion sociale au sein de l’entreprise.
L’Entreprise 2.0 n’est pas une chose qui s’achète !
Et pour l’Entreprise 2.0, il en va de même ; il ne suffira pas de saupoudrer son système informatique avec les caractéristiques techniques du Web 2.0 pour en tirer des bénéfices. Si la cohésion sociale est faible ou inexistante, c’est l’échec assuré, et un investissement en pure perte. Avec le danger de démoraliser et perdre les rares employés qui s’y seront investis, et d’introduire une nouvelle forme de fracture sociale.
On ne pourra pas bouleverser toutes nos habitudes.
Il faut aussi prendre en compte l’individualisme qui est un comportement trés ancré dans nos moeurs. Il serait naïf de croire que un employé contribuera et partagera des connaissances pour le seul bénéfice de l’entreprise.
De même les affinités conditionnent profondément nos comportements, et bonnes volontés. Les relations et collaborations imposées seront toujours moins réactives, adaptées, et productives que celles qui ont en commun des centres d’intêret (externes à l’activité de l’entreprise). L’idée que l’entreprise forme une grande famille fraternelle est une utopie illusoire, et les démarches pour - dissoudre les clans - formés naturellement donnent l’impression de vouloir nuire à la liberté d’association et pourraient nourrir une tendance à comploter depuis l’extérieur de l’entreprise. Alors que l’entente cordiale (entre “clans”) serait un moindre mal si on considérait ces affinités pour structurer le personnel.
Il n’y aura pas de deux-point-zéro pour les entreprises anti-sociales
Enfin, les internautes pratiquent de moins en moins sur le Web l’attitude de la double vie où un mur identitaire sépare distinctement les activités personnelles et professionnelles. En voulant freiner l’usage du Web pour des correspondances privées personnelles et des activités distractives, certaines entreprises établissent des obstacles à ces petites choses “futiles” du quotidien qui sont nécessaires pour la cohésion sociale interne du personnel ou son ouverture relationnelle…
Car il y aura des occasions relationnelles externes qui seront ratées. Ce qui est beaucoup plus dommageable dans les petites structures où les salariés sont isolés dans leur domaine de compétence alors que leur voisinage social externe pourrait apporter le soutien et le complément de conseils ou de savoirs pour les aider dans leurs taches.
Le savoir et la mémoire d’entreprise est une affaire d’individus.
Les plus anciens savoirs de l’humanité ont traversés les temps par voie orale grâce une cohésion sociale trés forte. Alors que les scientifiques ont beaucoup de mal à comprendre des sociétés qui n’ont laissées que des traces écrites.
Plus récemment, on est surpris de découvrir les difficultés des techniciens actuels de la Nasa pour recycler les technologies du programme Apollo en vue de simplement renouveler l’exploit. Bien que les archives techniques soient trés abondantes, la génération de ceux qui ont géré l’ère du Shuttle n’a jamais vraiment été en contact avec la génération des précurseurs qui l’ont imaginé.
Il en va de même pour les entreprises ; les savoirs et compétences pourront se maintenir seulement si ils sont brassés et échangés au quotidien entre les générations. Et une attitude excessive pour archiver tout et n’importe quoi conduira à un résultat contre-productif en gâchant inutilement du temps qui aurait dû être consacré aux échanges et dialogues entre les générations.
Il faut - devenir - une Entreprise 2.0 bien avant d’en acquérir les outils !
Je pense qu’une société deviendra une Entreprise 2.0 sans vraiment s’en rendre compte ou l’avoir consciemment sollicité. Et que l’intégration du Web 2.0 et des réseaux sociaux dans l’infrastructure informatique interne aura été motivé par la nécessité de répondre aux besoins d’une - nouvelle attitude d’entreprise - où :
- notre voisinage relationnel professionnel sera combiné à notre vie personnelle ; sans disctinction entre collègues, amis, et parents.
- l’influence des opinions ne sera plus pondérée par des statuts hiérarchiques, allant même jusqu’à intégrer l’expérience client, les partenaires, fournisseurs, et des personnes tiers.
- le temps de travail “effectif” ne sera plus considéré comme un indice majeur de productivité, en reconnaissant la valeur de l’implication personnel.
- les affinités personnelles seront prises en compte pour structurer le personnel par binômes* pour chacunes des compétences ou responsabilités qui seront nécessaires à l’entreprise.
(*) ni plus, ni moins. Constituer plusieurs binômes similaires si nécessaire.
Il n’y a pas d’outils spécifiques à l’Entreprise 2.0
Dans ce sens, les outils de l’entreprise qui aura atteint l’esprit de l’Entreprise 2.0 devront :
- laisser les employés choisir et adopter les outils, services Web, et réseaux sociaux qu’ils préfèrent, indépendamment de leurs collègues.
- permettre l’appropriation individuelle des savoirs partagés, voir même accorder une sorte de droit d’auteur.
- servir autant les activités et correspondances personnelles que professionnelles.
- privilégier la spontanéité et la propagation des savoirs plutôt que la quantité ou la pérennité.
Pour conclure je serais tenté de dire que un système basé sur le lifestream/friendstream répondrait parfaitement à ces besoins, mais il est tout a fait possible d’y parvenir par l’intermédiaire d’un wiki ou d’un blog, ou d’une manière dont des experts informatiques n’osent pas imaginer et qu’ils découvriront sur le coup quand leur société sera devenue une Entreprise 2.0 sans vagues ni révolution technologique…
Car en définitive, de la même manière que le terme “Web 2.0″ est soudainement apparut pour qualifier des pratiques qui existaient depuis longtemps, l’Entreprise 2.0 sera certainement - un style d’usages - dont notre génération n’a pas conscience.
Pour approfondir la réflexion, je vous invite à lire les publications de :
- Bertrand Duperrin (consultant pour blueKiwi) concernant les nouvelles pratiques d’entreprise,
- Frédéric Cavazza (consultant IT indépendant) et sa réflexion sur les outils Entreprise 2.0,
- Christophe Deschamp (expert intelligence économique) et son intêret pour le Personal Knownledge Management (cà d le PKM),
- le blog du livre Surtout, ne changez rien (Pourquoi résistons-nous tant au changement ?),
- l’appel de Denis Ettighoffer (consultant et conférencier) pour un Droit à l’oubli concernant l’Homme numérique (et les risques de la mémoire “totale”),
- les méthodes Agiles dont le cadre d’application pour l’eXtreme Programming.
4 commentaires à “L’entreprise et le Web 2.0 ; un péril anti-social ?!”
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Le Jeudi 24 avril 2008 à 21:24
Bien dit.
Les outils sont là pour supporter la manière dont ont travaille, donc il faut avant tout se demander comment on veut travailler. Et ce aussi bien en termes d’organisation qu’en termes plus qualitatifs. Cette question dépend elle-même des enjeux, du contexte et des objectifs que se donne l’organisation : on adopte la manière de fonctionner qui permet d’atteindre ses objectifs sous contrainte de son environnement et de son contexte.
Moralité se poser la question des outils sans avoir résolu ces deux questions ne sert à rien…
Le Vendredi 25 avril 2008 à 2:09
@Bertrand content de t’avoir compris, j’ai essayé d’être clair et concis. Si je peux me permettre une critique de tes articles ; tu as une dialectique un peu difficile à comprendre pour des non-initiés comme moi ;o)
Je te suggère de faire un témoignagne en 4 épisodes :
Cibler individuellement selon l’objectif recherché (productivité, innovation, satisfaction client, ou réactivité à la demande) les nouvelles moeurs/methodes/organisations qu’une entreprise devrait adopter, puis les outils off/on-line qui peuvent y contribuer.
Ca peut paraitre simpliste et caricatural, mais çà serait une série trés didactique pour des entrepreneurs “lamba” qui sauraient ainsi par où commencer, et comment évoluer en plusieurs étapes progressives… La résistance au changement est beaucoup plus grande en province malgrés les bonnes volontés ou intentions. Alors que les PME/TPE auraient plus à y gagner avec moins de difficultés structurelles que les grands groupes.
Le Samedi 26 avril 2008 à 19:36
A mon avis ce qui distingue une entreprise moderne (appelons la 2.0) d’une autre disons, plus conservatrice, c’est qu’elle consent au fait que ses collaborateurs ne consacrent pas 100% de leur attention pendant les “heures de travail” Ã leur emploi.
Ce qui importe n’est pas le temps passé ou le fait de ne pas lire ses mails perso mais le fait que la mission confiée soit menée à bien.
Pour ça il faut concevoir qu’on a à faire à des individus immergés dans plusieurs cercles sociaux : le service/l’entreprise/la famille/Le réseau professionnel/les réseaux virtuels….
C’est cet agrégat de cercles sociaux qui crée une grande partie de la valeur. Vouloir limiter la vie professionnelle à l’usage des cercles strictement professionnels est au mieux contre-productif, au pire stupide.
Par extension, peu importe que quelqu’un ait plusieurs jobs, tant qu’il accomplit ses missions.
Je serais mille fois moins utile à mon employeur si je n’utilisais ni twitter, ni les feeds rss, ni linkedin, ni même facebook ou mon blog.
Mais ceci ne s’applique qu’aux métiers intellectuels, dans le secteur des services.
Il est difficile d’imaginer un serveur ou un mécanicien twitter en pleine journée…
Le Dimanche 27 avril 2008 à 3:26
@DMY: et pourtant si, çà pourrait, et çà devrait, toucher d’autres types d’employés, même ceux dont la tâche professionnelle n’est pas informatisée… Si une entreprise met à disposition une boite mail nominative, un reseau social interne “ouvert” (aux activités/profils/données) à leur vie personnelle, et des bornes d’accés, - ces - employés pourront participer, durant des pauses ou à domiciles… Et surtout, ils ne seront pas exclue de la vie sociale numérique de l’entreprise, c’est pri-mor-dial !